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Ephèmère le Land Art?

In Land Art on July 31, 2013 at 8:53 am

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je n’aurais jamais pensé que ma sculpture traverse les âges! j’aurais tant aimé venir cette année pour admirer les œuvres que l’on découvre ici et la en arpentant la contrée habitée par le chant des musiciens en osmose avec leur instruments et la nature! Je vois que Jérôme continue le land art avec tant de cœur! Je pense revenir l’année prochaine! haha ça me fait plaisir de voir combien le chaudron déborde encore d’idées! vous m’avez fait sourire. Merci!

Idriss

Idriss B. à mi-chemin entre l’art et école de kiné, a participé avec d’autres volontaires internationaux pendant le FestiFaï 2012 à la création de statues de torchis guidée par Jérôme Piguet, et installées le long du chemin menant au Faï. Certaines ont été balayées par les pluies abondantes de ce printemps, d’autres ont résisté…

“Nous avons tous des racines différentes…

In Land Art on July 31, 2013 at 8:42 am
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L’œuvre collective et leurs auteurs devant Le Fachia Tout (Le Saix)

Dans le cadre de FestiFaï – festival de chanson hors-format et d’arts visuels en pleine nature –, l’ « atelier européen Grundtvig » guidés par le seul thème « Faire tout avec rien » ainsi que Marie-Sophie Koulischer et Jérôme Piguet – artistes de Land Art, nous présente le résultat de deux semaines de création le long du chemin qui mène du Saix à la Ferme du Faï, haut-lieu du festival.

Une balade commentée des œuvres a suivi une première découverte, à la nuit tombée et en musique et lumière de celles-ci. Au rythme des créations qui émaillent désormais le chemin, nous suivrons ici l’ordre de cette marche diurne, de l’œuvre collective du village du Saix au Théâtre de Verdure du Faï.

TEODORA, Roumanie

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Vos racines vous suivent comme votre ombre

D’où que l’on vienne, nos origines sont nos racines. Où que l’on aille, elles nous suivent. On ne peut les faire disparaître. On peut, par contre, en créer de nouvelles.

JUDITH, Hollande

La mousseIMG_1222

Quand j’ai commencé à travailler, je ne savais pas par où commencer. Les montagnes, la vallée, tout est incroyablement beau. Comment est-ce possible d’ajouter quelque chose à ces créations de la nature ? Cela me semblait impossible. Mais en me promenant dans la montagne, j’ai peu à peu découvert cet endroit et je me le suis approprié. Je devais trouver un endroit où déposer un peu de moi. Pour moi, c’est un moyen de me connecter à mon environnement. Après avoir beaucoup pensé et écrit, j’ai réussi à mettre mes idées en ordre. J’ai principalement travaillé à mains nues pour être proche du matériau, de l’œuvre et de la nature. Dans mon travail, j’ai l’habitude d’utiliser des techniques auxquelles je ne suis pas familiarisée. Pour moi, c’est un moyen de ne pas me perdre dans les conventions. De cette manière, l’œuvre sera toujours plus sincère, plus honnête et plus réelle. Les obstacles et les combats menés contre la matière font partie du travail. Si je ne souffre pas autant que j’apprécie, ce n’est pas bon. Je veux simplement vous inviter à regarder, à regarder différemment encore et encore.

DAVID, Hongrie

IMG_1228Mon œuvre est née lorsque je suis allé me coucher dans la montagne. J’ai installé mon campement dans cette brèche. J’ai trouvé ma place facilement. J’ai su que je devais faire quelque chose avec cette partie de la montagne. J’ai passé des heures à réfléchir  et j’ai regardé cet endroit sous tous les angles. J’ai découvert une diagonale qui va de la montagne jusqu’à la vallée en passant sous la route. J’ai suivi cette ligne avec mes mains, j’ai dessiné dans l’air, mais rien n’est apparu. La montagne ne m’a rien dit. Puis je me suis allongé dans la brèche. J’y suis resté une demi-heure. J’ai senti un immense pouvoir autour de moi. J’ai regardé les animaux de la nature, les dessins dans la falaise et la géométrie de ma couchette. Et la montagne a entamé un dialogue avec moi. Je me suis senti angoissé et j’ai voulu m’extraire de ce lieu. Cette situation m’a fait penser à une des cartes du tarot Zen intitulée « angoisse », où un homme est représenté dans un tel état de souffrance que lui et son environnement ne peuvent le supporter. Les couleurs principales de cette carte sont brun, le noir, le blanc, le rouge, le jaune et le orange : toutes les couleurs que j’ai ici utilisé. C’est ce que la montagne m’a montré.

IMG_1226JAN, République Tchèque

La machine qui colore

Sur le chemin qui mène du Saix au Faï, j’ai été impressionné par l’environnement, par les rochers, le ruisseau en contrebas et son écoulement à travers la vallée. Je voulais mettre en lumière ces éléments en forçant le visiteur à les regarder activement. « La machine qui colore » a pour but de permettre au visiteur de regarder différemment  les anciennes ferrailles rouillées recouvertes de béton. Cet objet vous permet de voir la beauté des lieux au travers de différentes couleurs. Il peut même aller jusqu’à modifier notre vision grâce à de petits bouts de plastique placés devant nos yeux.

KLARA, République Tchèque

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photo MSK

En marchant sous le soleil brulant, j’ai remarqué une vieille plaque sur un pylône électrique. En toutes lettres est inscrit « danger de mort ». J’ai pris cela comme une double référence. La première, au paysage du sud de la France, si sec et tellement hostile qu’il est possible de mourir de déshydratation ou d’une chute des falaises. L’autre référence est celle de l’Ancien Testament. Ici, le spectateur est confronté à un choix. Il peut ou non prendre les pommes et faire son propre choix. La question est de savoir dans quelle mesure avons-nous le choix. Lorsque quelqu’un nous dit que c’est bon pour nous ou mauvais pour nous, pouvons-nous choisir librement ? De quelle manière sommes-nous affectées par les informations que l’on nous transmet ?

 

SNIEDZE, LettonieIMG_1240

Montagnes

Le Faï est au milieu des montagnes. Elles l’entourent et lui donne de la force. Pour moi, ce fut une expérience très personnelle. Mon travail a été détruit plusieurs fois, créer ici n’a pas été seulement crevant, mais aussi douloureux. Je suis tombée plusieurs, me suis écorchée les genoux. J’ai saigné sur les pierres. J’ai tout donné pour qu’il soit complet. Comme nous faisons tous au Faï.

 

ELA, Allemagne

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photo MSK

Regardez les montagnes en haut. Pouvez-vous voir le mouvement des pierres créé par l’eau ? Cette matière s’est pressée contre les rochers massifs grâce au poids de l’océan. Et maintenant, regardez en bas vers cette profonde vallée. Celle-ci est également l’œuvre de l’eau. Un courant immémorial s’écoule ici et a creusé son chemin dans la roche. Depuis la nuit des temps, l’eau coule jusqu’à l’océan. Pouvez-vous imaginer la force de l’eau ? Dans la montagne, il y a une source qui nourrit chaque jour, chaque nuit, chaque seconde la crique d’eau. Sans fin, toujours et toujours. Comme un « perpeduum mobile ». Mais regardez en bas la crique. Tout est déjà disparu. Asséché ! Où est l’eau ? Qu’arrivera-t-il au paysage de cette vallée si ce courant vital disparaît ?

 

ABDULLAH, ChypreIMG_1244

Le cheval

Ce cheval nous parle de la liberté, de la difficulté que nous avons de briser nos chaînes, de transcender notre égo pour surmonter nos peurs. Malgré les années d’histoires de nos pays, nous ne faisons que passer. Quand j’essaye de me représenter ce qu’est un cheval, je l’imagine libre dans un champ, ses muscles puissants se mouvant au rythme de sa course. Mais ici, mon cheval n’est pas libre, il est emprisonné par les pierres, bloqué. Telle une métaphore de la société, il n’avance plus. C’est à nous de tenter de briser nos chaînes, de nous dépêtrer de notre enlisement. Pour retrouver notre liberté, nous devons sentir la joie de la pleine conscience : être soi-même et totalement présent au monde.

JAN, République Tchèque

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photo MSK

Cette sculpture en forme de nid représente la nature elle-même. Elle reprend la composition particulière du nid : une première couche de rochers, de pierres, une autre d’argile au centre et des branches qui en dépassent. Elle devient ainsi le parfait habitat des êtres vivants et de leurs transformations.

 

 

 

 

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photo Maria José Valenzuel

SERTUNÇ, Chypre

Le cavalier de la rivière

Chaque rivière rejoint la mer,

En ruisseau ou en pluie.

Dans la vie il y a des obstacles

Tu as été jeune, mais maintenant tu as vieilli

Tu es sans doute blessé, cassé comme le vélo.

Mais un jour quelqu’un va venir

Et te traitera bien, te repaireras

Te donneras de l’amour

Et tu seras prêt pour une nouvelle balade à vélo

Un voyage vers tes rêves

Vers un monde nouveau

Chevauche le vélo du torrent

Et suit le courant,

En pluie ou en ruisseau

Chaque rivière rejoint la mer.

RISTO, Finlande

IMG_1248Le Shaman

Le shaman transmet aux élèves qui le suivent son éternelle sagesse, la connaissance de l’unité qui existe entre les hommes, la nature et l’univers entier.

 

 

IMG_1252OVIDIO, Roumanie

Rubic’s Cube

Le Rubic’s cube représente nos vies. Les différentes couleurs incarnent les changements qui se produisent dans nos existences. Dans la nature tout est changeant, tout se transforme. A chaque moment, à chaque saison les lieux et les choses disparaissent et renaissent. Nous devons décider quelles couleurs mettre dans nos vies. Quoi qu’il arrive il faut choisir, sinon tout deviendra gris.

SILVIA, Italie

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photo Maria José Valenzuela

La lampe des papillons

Quand je suis arrivée au Faï, je n’avais pas une idée précise de ce qui allait se passer, mais après une première découverte du territoire, j’ai noté une présence significative des papillons qui m’a beaucoup inspirée.

Les papillons et la présence des câbles électriques juste à côté de là où je me trouvais m’ont inspiré ce projet qui est né petit à petit. Les câbles électriques m’ont fait penser à l’énergie, au soleil, à la lumière d’où l’idée de construire une lampe. Les papillons, qui sont des créatures à l’existence très brève, m’ont inspirée la construction faite de matériel éphémère comme la paille. Le grand papillon mis sur la lampe a une signification un peu shamanique et veut représenter l’esprit qui vole dans la nature.

 

IMG_1256JAN, République Tchèque

Le costume d’astronaute

Ce costume d’astronaute vous permet de détacher votre regard du sentier et de voir la vallée et les falaises en étant pleinement concentré. Vous pouvez alors prendre mentalement une photo et l’inscrire dans votre mémoire pour aujourd’hui ou pour toujours. Grâce au fil élastique retenant le casque, une partie de votre poids est supportée par l’arbre. Vous pouvez ainsi vous sentir comme un astronaute qui vient d’atterrir sur la lune et  qui regarde le paysage pour la première fois. Mais faîtes attention : N’essayez pas de marcher avec. Votre premier pas pourrait être plus grand que vous ne pensez. L’appareil n’est pas fait pour supporter le poids entier d’un être humain.

TEODORA, Roumanie

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photo Maria José Valenzuela

 

 

 

 

 

 

 

ABDULLAH, Chypre

La Chèvre

Le principe de ces ateliers était de créer à partir de rien. Sur le chemin, j’ai trouvé ce morceau de bois qui m’a fait penser à une chèvre. Puis je me suis servi de cette excuse pour me balader dans la nature. Cette création m’a servi de prétexte à la découverte du domaine.

KATA et JANA, République Tchèque

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photo MSK

La légende de Chunacek

Il était une fois deux aliens un peu fous qui décidèrent de venir au Faï car ils savaient que d’autres aliens étaient déjà venus. Lors de leur voyage ils furent si impressionnés par la beauté du paysage qu’ils perdirent le contrôle de leur soucoupe volante en bulle de chewing-gum. Celle-ci alla s’écraser contre la falaise. Ils décidèrent alors de construire quelque chose pour protéger toutes les bulles volantes de tous les aliens venus au Faï. Quoi de mieux qu’une bulle pour protéger des bulles ? Ils choisirent donc cette forme. Pour construire cela, ils avaient besoin d’un bois costaud et malléable à la fois. Pour les fenêtres, ils utilisèrent des lentilles spéciales importées de leur planète d’origine. Ces lentilles appelées « Tche-que », détenaient le pouvoir magique de révéler au terriens la beauté de l’univers. Ils travaillèrent dur, dur et encore plus dur. Lorsqu’ils furent fatigués, ils s’allongèrent dans la prairie et d’un coup ils réalisèrent que seul l’herbe de ce champ pourraient protéger leurs bulles. Au même moment, une odeur enivrante se fit sentir et ils surent qu’ils avaient besoin d’un mélange d’herbes, de plantes et de fleurs pour captiver vos sens et vous amener à vous asseoir dans leur bulle magique. Venez donc, entrez donc dans cet espace et laissez vos sens vous emmener dans un voyage vers la vie.

photo Maria José Valenzuela

photo Maria José Valenzuela

MARIA, Espagne

Fenêtre sur la nature

Quand on a fait le chemin pour chercher l’endroit de notre création, il y avait un arbre dont le tronc se divisait en deux. Quand je l’ai vu, je me suis dit : « c’est là ! ». C’est ce qui m’a appelé à ce lieu. C’est une fenêtre ouverte sur la nature. Mon œuvre pousse les gens à prendre le temps de regarder la nature. Les visages écorchés représentent la structure même de la nature, une structure qui lui est propre et qui est nécessaire au développement de l’environnement.

PAVLINA, République Tchèque

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photo Maria José Valenzuela

Pour créer cette effrayante forêt, j’ai été inspirée par le mystère de cet endroit. Un groupe de trois arbres m’a particulièrement captivée. Ils m’ont fait penser au spectre de la peur, le Bogeyman – un être mythologique.

La statue en face des arbres représente une petite fille qui s’échappe de l’effrayante forêt. Mais il peut également s’agir de Bogeyman lui-même qui tente de fuir et de se jeter sur vous. Chauve-souris et araignées viennent compléter le tableau. Elles volent et rampent jusqu’à vous.

 

KLARA, République Tchèque

Relation entre les hêtres

Les hêtres sont mes arbres préférés. En connectant les hêtres avec des morceaux de laine, je tente de mettre en lumière leur communication. L’idée est de permettre aux visiteurs de visualiser les liens qui existent entre les hêtres, de montrer leurs relations possibles : l’amour, la haine, de petites conversations, une cohésion tribale…Toutes ces informations que l’on peut imaginer, mais que l’on ne peut distinguer à l’œil nu.

 

…MAIS NOUS POUSSONS TOUS SOUS LE MÊME SOLEIL!”

[Propos recueillis et traduits en français par Géraldine Piguet- édition : Agnès André]

Land Art: matière à discuter

In Entre-vues, Land Art, Mise en bouche on July 22, 2013 at 8:27 am
Human Art [d'une photo de Kate]

Human Art [d’une photo de Kate, “plasticienne”]

  LE LAND-ART,  CEKOUAKCA?

Land art, art végétal, art visuel naturel… : quelle étiquette pour un art hors-champs ? Jérôme Piguet et Marie-Sophie Koulischer travaillent  à l’image de Nils Udo, exclusivement (ou presque !) « dans et avec la nature ». Cette pratique artistique n’est qu’en réalité qu’une infime partie de ce que le terme « Land art » recouvre, un « mouvement » développé  dans les années 1960s et dont les débuts ont peu à voir avec la nature en elle-même.

 

« Dessiner des fleurs. Peindre avec des nuages. Écrire avec de l’eau. Enregistrer le vent de mai, la course d’une feuille tombante. Travailler pour un orage. Anticiper un glacier. Courber le vent. Orienter l’eau et la lumière… » Nils Udo, « Des sculptures dans et avec la nature, in Photographies, n°8, sept 1985.

 

Pour tenter d’en savoir plus sur le Land Art, et surtout le Land Art du FestiFaï, HOrS-foRmAt qui avait l’année dernière interviewé Marie-Sophie Koulischer  a donc choisi cette année une nouvelle proie…

 

Jérôme Piguet!  expliquant la technique du torchis

Jérôme Piguet: aux côtés de Marie-Sophie Koulischer, le voici ici expliquant la technique du torchis à ses “disciples”![photo Abdullah Denizhan]

HOrS-foRmAt: Pourquoi avoir choisi de travailler avec des matériaux naturels ?

Jérôme Piguet: C’est le contact avec la matière qui me plaît : le bois comme je viens de la charpente, les ossements pour leur forme, les plumes aussi. Il y a quelque chose de mystique…

A ce propos, j’ai remarqué qu’il y a chez les artistes du Land Art, soit une problématique écologique, soit une dimension plus magique et spirituelle dans leur rapport à la nature…

Eh bien c’est les deux en même temps souvent. La dimension écologique arrive plutôt avec les artistes de Land Art européens, ce que les américains ne réalisent pas vraiment dans les débuts. Mais je n’ai pas connaissance de ce qui se fait aujourd’hui, peut-être qu’il existe maintenant des artistes américains qui possèdent également cette problématique.

Et toi, dans ta pratique ?

Je ne crois pas en dieu mais je crois à la beauté du monde. Une beauté non dénuée d’horreur : quand une biche se fait bouffer, on ne peut pas dire que cela soit très beau à voir. Et toutes les maladies chez les humains…Et les oiseaux, par exemple, ils ne sont pas du tout sympathiques. J’ai un perroquet gris du Gabon chez moi, c’est un vrai monstre ! Tu vois les espèces de Raptor dans Jurrasik Park, les oiseaux c’est ça, [geste de la gueule avec la pince de la main] c’est des dinosaures qui ont un peu perdu de leur taille. J’aime beaucoup David Lynch par exemple.

Je vois ce que tu veux dire, je me souviens très bien dans Blue Velvet le gros plan sur les fourmis…

Ah, l’oreille coupée avec les insectes qui grouillent autour ! Oui c’est cela,il sait faire quelque chose de très beau tout en montrant discrètement l’horreur par derrière.

 

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“Au lieu d’un pinceau, Robert Morris aimerait utiliser un bulldozer pour réaliser ses œuvres” Robert Smithson

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Spiral Jetty, Robert Smithson, 1970. Photographie Serge Paul, 2006

Robert Smithson et Robert Morris sont deux pionniers du Land Art, héritiers de la vague minimaliste des années 1960. Leurs œuvres sont immenses (c’est de cette époque que vient le terme “Earthworks”): par la distance qu’elles impliquent, elles créent un effet de présence où le spectateur fait parti de l’œuvre. L’idée de la création in situ, le plus souvent en extérieur, et avec des éléments naturels – des éléments “qui n’ont plus rien d’artistiquement spécifique” (Land Art, G. Tiberghien) répond à l’origine à une volonté de ces artistes de redéfinir les cadres traditionnels de l’art (et non à une problématique écologique ou une dimension spirituelle): à cette époque, le lieu privilégié de l’art est encore le musée ou la galerie. Faire sortir l’art de cet endroit, c’est donc également questionner l’essence de l’art même.

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 Recherches-tu également par le Land Art à rendre l’art plus abordable, ou à le sortir de ces galeries un peu comme l’ont fait finalement les premiers artistes rattachés au Land Art dans les années 1960 ?

Je fais du Land Art d’abord par la matière. Quand j’en fait sur les sentiers, c’est pour montrer autre chose que ce à quoi on est habitué de voir, c’est comme des petites surprises. Poser trois cailloux l’un sur l’autre, ça paraît simple, mais parfois c’est très bien vu. Les bouts de bois pourris par exemple, on les oublie, mais c’est vachement beau. Il y a un artiste comme cela, Michel Balzy qui utilise la moisissure dans ses sculptures et le résultat est très joli. Mais mes sculptures ne sont pas destinées à être exposées dans la nature, elles n’y survivraient pas !

Ce serait donc plutôt la nature qui t’aurait amené à l’art, ainsi que ton métier de charpentier, de travail de bois plus qu’une pratique artistique qui t’aurait amené un jour à travailler avec des éléments naturels?

Je ne sais pas, quand j’étais petit, j’aimais beaucoup la pâte à modeler. Puis par la charpente, je suis passé de construire des structures à réaliser des sculptures.

En parlant de sculpture, je suis allée voir l’exposition de l’Office de Tourisme de Veynes, quelles sont leurs particularités par rapport aux œuvres de Marie Sophie?

Les miennes sont davantage des personnages. Il y en a deux que j’aime beaucoup dans ces statues exposées : la première c’est comme un courant de vie, une gueule qui bouffe la vie, qui bouffe tout ce qu’elle peut. La deuxième c’est la sorcière avec sa main recroquevillée, pas tout à fait humaine, un peu singe. C’est une sorcière blanche, qui essaye d’être gentille mais qui s’use de faire le bien.

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“Courant de vie” Bois de cerf, “queue de renard”, terre, billes de verre, osier,… 2012-13

"Vieille Yuna" Amas d'aulne, racines de pin, osier, terre, plastique... - 2011

“Vieille Yuna” Amas d’aulne, racines de pin, osier, terre, plastique… – 2011

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On dirait qu’il y a toute une histoire autour de chacune de tes sculptures…

Oui tout à fait, sans histoire ça m’ennuie. Je crée des personnages, des visages. Dès que tu mets un visage, ça change tout. Quand je travaillais comme animateur dans une réserve naturelle d’oiseaux à St Quentin en Yvelines (“250 espèces environ à deux pas des voitures qui crament dans la banlieue d’à côté: un beau contraste”), je donnais deux punaises – deux yeux- aux enfants en leur demandant « d’ouvrir » le regard.

Et tu n’as pas gardé l’oiseau comme sujet de sculpture?

Non seulement les plumes, les crânes. C’est par la forme humaine que je suis intéressé.

Tu m’as dit que tu aimais travailler avec le bois, les ossements,… as-tu une matière, ainsi qu’une technique de prédilection ?

La terre aussi, surtout la terre « sauvage », naturelle quand je fais du torchis. Ensuite j’y ajoute des fibres pour que, lorsque la terre craque, tout ne s’effondre pas. Et le bois également, mais pas au travers de sculptures directement taillées dans celui-ci : je n’ai pas la patience. C’est plutôt un travail de modelage. Je préfère car tu peux tout le temps revenir dessus. J’utilise aussi les techniques de la couture et la vannerie de temps à autre.

Et ensuite, tu y a en partie répondue mais comment, pour toi, se déroule  la création d’une œuvre ?

Elle se fait à partir de ce que je trouve. Je ne pars pas d’une idée. A partir d’un bout de bois, ou de la forme particulière d’un rocher par exemple, il me vient l’envie d’y faire quelque chose. Je travaille en accumulant des objets. Et au fur et à mesure que je les dépose, il y a soudain deux trucs qui vont ensemble, tu vois des liens qui se forment. Il y a parfois de mes œuvres qui durent deux ou trois ans, le temps de trouver la rencontre opportune.

Est-ce que tu pratiques également cette phase de balade-récolte qu’on voit chez certains artistes  Land Art ?

Oui quand je collecte des matériaux…une ballade une œuvre…oui, j’aime bien cette idée. Je fais ça dès fois au sein de mes workcamps, lorsque l’on restaure des sentiers : on voit une souche ou un rocher intéressant, on s’arrête et on le met en scène.

La ballade de collecte, c’est un peu comme la marche indienne pour la fabrication de l’arc : tu commences par jeuner, puis tu te mets en route, tu attends qu’un arbre t’appelle, ou de trouver les matériaux nécessaires. C’est faire des rencontres.

 

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“No walk, no work” Hamish Fulton

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“Quand j’étais dans ce bois en Allemagne […] je me suis trouvé confronté à la question de savoir comment vivre dans quelques hectares de terrain. C’est aussi une façon de se confronter à soi-même. On part pour un région intéressante, et on finit par perdre le sens de soi. Au contraire, si on se confine à une région plus étroite, on se trouve beaucoup plus directement confronté à soi-même. Dans les deux situations, il faut s’abandonner à l’endroit.” H.Fulton, Des Pierres levées et des oiseaux chanteurs en Bretagne

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En parlant d’arbre,  Nils Udo évoque cette sensation de devenir arbre devant un état du ciel particulier. Je serai curieuse de savoir si toi aussi tu as déjà eu cette même sensation?

Pas vraiment… Ah c’est marrant, justement il y a peu j’étais à la célébration de l’anniversaire d’un prof de science naturelle passionné, très érudit et il m’a donné un bouquin : « Comment parler avec les arbres ». Comme quoi même les scientifiques reconnaissent qu’il n’y a pas que rationalité pure dans le rapport à la nature. Bon, je ne parle pas aux arbres, mais oui, j’ai des copains arbres. Tu vois le T à l’entrée du Saix avec la route qui part d’un côté à Chabestan et l’autre qui retourne à Veynes ? Il y a ici un très vieux poirier tout pourri, j’aime bien le saluer quand je passe. J’ai toujours pensé que les arbres sont les alliés de l’homme sur terre, qu’ils nous apprennent beaucoup. Par contre, si je connais les arbres et les plantes, je suis content d’être humain : il y a quand même quelque chose qu’ils n’ont pas, la pensée, l’imagination… enfin on ne sait pas vraiment…

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Nils Udo, Tilleuls, Sorbes, Aix-la-Chapelle, 1999

 

“C’est finalement au moment où le ciel sombre s’abaisse sur le paysage et où la pluie ramollit la terre que l’on a le plus de chance de devenir un arbre (cette sensation existe, je suis réaliste).”

Nils Udo

 

 

 

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Le Land Art travaillant avec des matières qui changent selon le temps, y a-t-il une saison que tu préfères ?

Oui, après le 15 août, c’est la cinquième saison chinoise. En Chine, ils ont une manière de séparer les saisons beaucoup plus juste je trouve. En Chine le printemps commence vers le 12 février. Vers le 15 août, c’est une saison intermédiaire où les énergies fluctuent, où c’est mieux de ne pas faire grand-chose, les herbes repoussent un peu, les oiseaux rechantent un peu. Et puis il fait moins chaud et il y a moins de touristes !

 

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Heman Prigann, Spiralberg

Heman Prigann, Spiralberg

“Ma compréhension de la nature, diffère de la définition occidentale classique dans la mesure où je suis absolument certain que nous ne faisons pas vaguement partie de ce que nous appelons la nature, mais que nous en faisons absolument partie. Ainsi ma définition de l’art ne voit pas la nature et l’art comme opposés, car je comprends l’art comme appartenant intégralement à la vie sociale de l’homme. L’art n’est pas un extra, ce n’est pas du sucre glace sur un gâteau, ce n’est pas un décor, un embellissement ou quoi que ce soit de ce genre, mais c’est une partie intégrante de notre histoire culturelle.”

Herman Prigann, dont les œuvres sont comparables en ampleur aux débuts des années 1960s, mais où survient également une problématique écologique et humaine.

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Et enfin, pour parler un peu du thème de la création plastique du FestiFaï cette année, « Faire tout avec rien »…

Et ben c’est bien parti ! [Jérôme Piguet jetant un regard vers le G. s’activant à la réalisation de l’œuvre collective]

En fait c’est un peu ce qu’on fait toujours dans le land art : créer quelque chose avec les matériaux que l’on trouve. Et Villages des Jeunes [association déléguée régionale de “Solidarités Jeunesse” organisant des chantiers internationaux à la Ferme du Faï, membre indispensable du festival] c’est tout à fait ça aussi; donc finalement, ce thème, il n’est pas nouveau !

 

 

[Propos recueillis par HOrS-foRmAt. Ensemble des citations et des explications issues de l’ouvrage Land Art, Gilles A Tiberghien, Dominique Carré éd., 2012.]

“Faire tout avec rien”, ou presque!

In Land Art, Mise en bouche on July 19, 2013 at 2:17 pm

 “We are going to make a big artwork together in a very boring place. We don’t know yet what it’s supposed to look like. And the place is not inspiriting at all!” (Daniela, professeur d’histoire et philosophie à Dresde, membre des plasticiens au Faï)

 

Première étape de l'oeuvre: collecte des souches

Première étape de l’oeuvre: collecte des souches [photo Abdullah Denizhan]

Jeudi 18 juillet après-midi, arrivée devant l’œuvre collective prévue par Jérôme Piguet et Marie-Sophie Koulischer: située devant le Fachia Tout – le bistrot du Saix – à la fois point d’arrivée et de départ de la balade des arts naturels dont la première aura lieu vendredi 26 de nuit;   cette œuvre a vu son aspect se décider le matin-même à 9h pour s’achever à 19h : un ten hour-art-shot, né de rien ou presque…

HOrS-foRmAt: d’où vous vient l’idée de cette réalisation ?

Marie-Sophie Koulischer – l’idée nous est venue des souches que Jérôme a repéré ce matin dans un champs et a réussi à collecter.

Jérôme Piguet – dans la création, il faut toujours une contrainte. On est parti de cette contrainte : réaliser quelque chose avec ces souches à l’endroit défini [un petit carré d’herbe délimité par un mur de pierre sur un de ses côtés, du grillage sur le côté adjacent, le reste ouvert sur le parking du Fachia Tout].

[ à MSK] Ca me fait penser à une œuvre de Goldsworthy avec les troncs. Enfin à peu près…il a du mettre quelques heures de plus je crois…

 

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Hf: et un travail collectif comme cela, ce n’est pas compliqué à mettre en place ?

MSK- ça dépend des participants, il y en a qui n’ont pas de problèmes à travailler en groupe, d’autres qui sont moins à l’aise.

JP-  non, s’ils n’étaient pas ce groupe-là on aurait été en difficulté, on aurait rien fait de spectaculaire [dimensions prévues pour l’œuvre : 2,50m de haut pour 5 m de large]. Quand on est tout seul, il est souvent difficile de réaliser des œuvres d’une telle ampleur. C’est énormément de boulot.

Et puis là c’est un groupe super, des gens intelligents, cultivés. Et on est dans un lieu parfait : la rivière est pas loin, les souches [matière de l’œuvre en question] sont au bout du champs et on a un bar à côté, que demander de plus!

 

Détail du serpent végétal de

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Hf: et qu’il y ait une proportion plus importante d’amateurs que l’année dernière, ce n’est pas gênant ?

JP- Non, c’est même mieux, les vrais artistes c’est chiant, ça travaille seul et ça a dû mal à se mettre d’accord!

 

 

Des habitants du village observant les travaux finis avec certains des plasticiens

Des habitants du village observant les travaux finis avec certains des plasticiens avant que la pluie tropicale quotidienne des Hautes-Alpes ne s’abatte [photo Abdullah Denizhan]