L’œuvre collective et leurs auteurs devant Le Fachia Tout (Le Saix)
Dans le cadre de FestiFaï – festival de chanson hors-format et d’arts visuels en pleine nature –, l’ « atelier européen Grundtvig » guidés par le seul thème « Faire tout avec rien » ainsi que Marie-Sophie Koulischer et Jérôme Piguet – artistes de Land Art, nous présente le résultat de deux semaines de création le long du chemin qui mène du Saix à la Ferme du Faï, haut-lieu du festival.
Une balade commentée des œuvres a suivi une première découverte, à la nuit tombée et en musique et lumière de celles-ci. Au rythme des créations qui émaillent désormais le chemin, nous suivrons ici l’ordre de cette marche diurne, de l’œuvre collective du village du Saix au Théâtre de Verdure du Faï.
TEODORA, Roumanie
Vos racines vous suivent comme votre ombre
D’où que l’on vienne, nos origines sont nos racines. Où que l’on aille, elles nous suivent. On ne peut les faire disparaître. On peut, par contre, en créer de nouvelles.
JUDITH, Hollande
La mousse
Quand j’ai commencé à travailler, je ne savais pas par où commencer. Les montagnes, la vallée, tout est incroyablement beau. Comment est-ce possible d’ajouter quelque chose à ces créations de la nature ? Cela me semblait impossible. Mais en me promenant dans la montagne, j’ai peu à peu découvert cet endroit et je me le suis approprié. Je devais trouver un endroit où déposer un peu de moi. Pour moi, c’est un moyen de me connecter à mon environnement. Après avoir beaucoup pensé et écrit, j’ai réussi à mettre mes idées en ordre. J’ai principalement travaillé à mains nues pour être proche du matériau, de l’œuvre et de la nature. Dans mon travail, j’ai l’habitude d’utiliser des techniques auxquelles je ne suis pas familiarisée. Pour moi, c’est un moyen de ne pas me perdre dans les conventions. De cette manière, l’œuvre sera toujours plus sincère, plus honnête et plus réelle. Les obstacles et les combats menés contre la matière font partie du travail. Si je ne souffre pas autant que j’apprécie, ce n’est pas bon. Je veux simplement vous inviter à regarder, à regarder différemment encore et encore.
DAVID, Hongrie
Mon œuvre est née lorsque je suis allé me coucher dans la montagne. J’ai installé mon campement dans cette brèche. J’ai trouvé ma place facilement. J’ai su que je devais faire quelque chose avec cette partie de la montagne. J’ai passé des heures à réfléchir et j’ai regardé cet endroit sous tous les angles. J’ai découvert une diagonale qui va de la montagne jusqu’à la vallée en passant sous la route. J’ai suivi cette ligne avec mes mains, j’ai dessiné dans l’air, mais rien n’est apparu. La montagne ne m’a rien dit. Puis je me suis allongé dans la brèche. J’y suis resté une demi-heure. J’ai senti un immense pouvoir autour de moi. J’ai regardé les animaux de la nature, les dessins dans la falaise et la géométrie de ma couchette. Et la montagne a entamé un dialogue avec moi. Je me suis senti angoissé et j’ai voulu m’extraire de ce lieu. Cette situation m’a fait penser à une des cartes du tarot Zen intitulée « angoisse », où un homme est représenté dans un tel état de souffrance que lui et son environnement ne peuvent le supporter. Les couleurs principales de cette carte sont brun, le noir, le blanc, le rouge, le jaune et le orange : toutes les couleurs que j’ai ici utilisé. C’est ce que la montagne m’a montré.
JAN, République Tchèque
La machine qui colore
Sur le chemin qui mène du Saix au Faï, j’ai été impressionné par l’environnement, par les rochers, le ruisseau en contrebas et son écoulement à travers la vallée. Je voulais mettre en lumière ces éléments en forçant le visiteur à les regarder activement. « La machine qui colore » a pour but de permettre au visiteur de regarder différemment les anciennes ferrailles rouillées recouvertes de béton. Cet objet vous permet de voir la beauté des lieux au travers de différentes couleurs. Il peut même aller jusqu’à modifier notre vision grâce à de petits bouts de plastique placés devant nos yeux.
KLARA, République Tchèque
photo MSK
En marchant sous le soleil brulant, j’ai remarqué une vieille plaque sur un pylône électrique. En toutes lettres est inscrit « danger de mort ». J’ai pris cela comme une double référence. La première, au paysage du sud de la France, si sec et tellement hostile qu’il est possible de mourir de déshydratation ou d’une chute des falaises. L’autre référence est celle de l’Ancien Testament. Ici, le spectateur est confronté à un choix. Il peut ou non prendre les pommes et faire son propre choix. La question est de savoir dans quelle mesure avons-nous le choix. Lorsque quelqu’un nous dit que c’est bon pour nous ou mauvais pour nous, pouvons-nous choisir librement ? De quelle manière sommes-nous affectées par les informations que l’on nous transmet ?
SNIEDZE, Lettonie
Montagnes
Le Faï est au milieu des montagnes. Elles l’entourent et lui donne de la force. Pour moi, ce fut une expérience très personnelle. Mon travail a été détruit plusieurs fois, créer ici n’a pas été seulement crevant, mais aussi douloureux. Je suis tombée plusieurs, me suis écorchée les genoux. J’ai saigné sur les pierres. J’ai tout donné pour qu’il soit complet. Comme nous faisons tous au Faï.
ELA, Allemagne
photo MSK
Regardez les montagnes en haut. Pouvez-vous voir le mouvement des pierres créé par l’eau ? Cette matière s’est pressée contre les rochers massifs grâce au poids de l’océan. Et maintenant, regardez en bas vers cette profonde vallée. Celle-ci est également l’œuvre de l’eau. Un courant immémorial s’écoule ici et a creusé son chemin dans la roche. Depuis la nuit des temps, l’eau coule jusqu’à l’océan. Pouvez-vous imaginer la force de l’eau ? Dans la montagne, il y a une source qui nourrit chaque jour, chaque nuit, chaque seconde la crique d’eau. Sans fin, toujours et toujours. Comme un « perpeduum mobile ». Mais regardez en bas la crique. Tout est déjà disparu. Asséché ! Où est l’eau ? Qu’arrivera-t-il au paysage de cette vallée si ce courant vital disparaît ?
ABDULLAH, Chypre
Le cheval
Ce cheval nous parle de la liberté, de la difficulté que nous avons de briser nos chaînes, de transcender notre égo pour surmonter nos peurs. Malgré les années d’histoires de nos pays, nous ne faisons que passer. Quand j’essaye de me représenter ce qu’est un cheval, je l’imagine libre dans un champ, ses muscles puissants se mouvant au rythme de sa course. Mais ici, mon cheval n’est pas libre, il est emprisonné par les pierres, bloqué. Telle une métaphore de la société, il n’avance plus. C’est à nous de tenter de briser nos chaînes, de nous dépêtrer de notre enlisement. Pour retrouver notre liberté, nous devons sentir la joie de la pleine conscience : être soi-même et totalement présent au monde.
JAN, République Tchèque
photo MSK
Cette sculpture en forme de nid représente la nature elle-même. Elle reprend la composition particulière du nid : une première couche de rochers, de pierres, une autre d’argile au centre et des branches qui en dépassent. Elle devient ainsi le parfait habitat des êtres vivants et de leurs transformations.
photo Maria José Valenzuel
SERTUNÇ, Chypre
Le cavalier de la rivière
Chaque rivière rejoint la mer,
En ruisseau ou en pluie.
Dans la vie il y a des obstacles
Tu as été jeune, mais maintenant tu as vieilli
Tu es sans doute blessé, cassé comme le vélo.
Mais un jour quelqu’un va venir
Et te traitera bien, te repaireras
Te donneras de l’amour
Et tu seras prêt pour une nouvelle balade à vélo
Un voyage vers tes rêves
Vers un monde nouveau
Chevauche le vélo du torrent
Et suit le courant,
En pluie ou en ruisseau
Chaque rivière rejoint la mer.
RISTO, Finlande
Le Shaman
Le shaman transmet aux élèves qui le suivent son éternelle sagesse, la connaissance de l’unité qui existe entre les hommes, la nature et l’univers entier.
OVIDIO, Roumanie
Rubic’s Cube
Le Rubic’s cube représente nos vies. Les différentes couleurs incarnent les changements qui se produisent dans nos existences. Dans la nature tout est changeant, tout se transforme. A chaque moment, à chaque saison les lieux et les choses disparaissent et renaissent. Nous devons décider quelles couleurs mettre dans nos vies. Quoi qu’il arrive il faut choisir, sinon tout deviendra gris.
SILVIA, Italie
photo Maria José Valenzuela
La lampe des papillons
Quand je suis arrivée au Faï, je n’avais pas une idée précise de ce qui allait se passer, mais après une première découverte du territoire, j’ai noté une présence significative des papillons qui m’a beaucoup inspirée.
Les papillons et la présence des câbles électriques juste à côté de là où je me trouvais m’ont inspiré ce projet qui est né petit à petit. Les câbles électriques m’ont fait penser à l’énergie, au soleil, à la lumière d’où l’idée de construire une lampe. Les papillons, qui sont des créatures à l’existence très brève, m’ont inspirée la construction faite de matériel éphémère comme la paille. Le grand papillon mis sur la lampe a une signification un peu shamanique et veut représenter l’esprit qui vole dans la nature.
JAN, République Tchèque
Le costume d’astronaute
Ce costume d’astronaute vous permet de détacher votre regard du sentier et de voir la vallée et les falaises en étant pleinement concentré. Vous pouvez alors prendre mentalement une photo et l’inscrire dans votre mémoire pour aujourd’hui ou pour toujours. Grâce au fil élastique retenant le casque, une partie de votre poids est supportée par l’arbre. Vous pouvez ainsi vous sentir comme un astronaute qui vient d’atterrir sur la lune et qui regarde le paysage pour la première fois. Mais faîtes attention : N’essayez pas de marcher avec. Votre premier pas pourrait être plus grand que vous ne pensez. L’appareil n’est pas fait pour supporter le poids entier d’un être humain.
TEODORA, Roumanie
photo Maria José Valenzuela
ABDULLAH, Chypre
La Chèvre
Le principe de ces ateliers était de créer à partir de rien. Sur le chemin, j’ai trouvé ce morceau de bois qui m’a fait penser à une chèvre. Puis je me suis servi de cette excuse pour me balader dans la nature. Cette création m’a servi de prétexte à la découverte du domaine.
KATA et JANA, République Tchèque
photo MSK
La légende de Chunacek
Il était une fois deux aliens un peu fous qui décidèrent de venir au Faï car ils savaient que d’autres aliens étaient déjà venus. Lors de leur voyage ils furent si impressionnés par la beauté du paysage qu’ils perdirent le contrôle de leur soucoupe volante en bulle de chewing-gum. Celle-ci alla s’écraser contre la falaise. Ils décidèrent alors de construire quelque chose pour protéger toutes les bulles volantes de tous les aliens venus au Faï. Quoi de mieux qu’une bulle pour protéger des bulles ? Ils choisirent donc cette forme. Pour construire cela, ils avaient besoin d’un bois costaud et malléable à la fois. Pour les fenêtres, ils utilisèrent des lentilles spéciales importées de leur planète d’origine. Ces lentilles appelées « Tche-que », détenaient le pouvoir magique de révéler au terriens la beauté de l’univers. Ils travaillèrent dur, dur et encore plus dur. Lorsqu’ils furent fatigués, ils s’allongèrent dans la prairie et d’un coup ils réalisèrent que seul l’herbe de ce champ pourraient protéger leurs bulles. Au même moment, une odeur enivrante se fit sentir et ils surent qu’ils avaient besoin d’un mélange d’herbes, de plantes et de fleurs pour captiver vos sens et vous amener à vous asseoir dans leur bulle magique. Venez donc, entrez donc dans cet espace et laissez vos sens vous emmener dans un voyage vers la vie.
photo Maria José Valenzuela
MARIA, Espagne
Fenêtre sur la nature
Quand on a fait le chemin pour chercher l’endroit de notre création, il y avait un arbre dont le tronc se divisait en deux. Quand je l’ai vu, je me suis dit : « c’est là ! ». C’est ce qui m’a appelé à ce lieu. C’est une fenêtre ouverte sur la nature. Mon œuvre pousse les gens à prendre le temps de regarder la nature. Les visages écorchés représentent la structure même de la nature, une structure qui lui est propre et qui est nécessaire au développement de l’environnement.
PAVLINA, République Tchèque
photo Maria José Valenzuela
Pour créer cette effrayante forêt, j’ai été inspirée par le mystère de cet endroit. Un groupe de trois arbres m’a particulièrement captivée. Ils m’ont fait penser au spectre de la peur, le Bogeyman – un être mythologique.
La statue en face des arbres représente une petite fille qui s’échappe de l’effrayante forêt. Mais il peut également s’agir de Bogeyman lui-même qui tente de fuir et de se jeter sur vous. Chauve-souris et araignées viennent compléter le tableau. Elles volent et rampent jusqu’à vous.
KLARA, République Tchèque
Relation entre les hêtres
Les hêtres sont mes arbres préférés. En connectant les hêtres avec des morceaux de laine, je tente de mettre en lumière leur communication. L’idée est de permettre aux visiteurs de visualiser les liens qui existent entre les hêtres, de montrer leurs relations possibles : l’amour, la haine, de petites conversations, une cohésion tribale…Toutes ces informations que l’on peut imaginer, mais que l’on ne peut distinguer à l’œil nu.
…MAIS NOUS POUSSONS TOUS SOUS LE MÊME SOLEIL!”
[Propos recueillis et traduits en français par Géraldine Piguet- édition : Agnès André]